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Ça restera tristement comme un moment d’éloignement entre le pouvoir et les Français: Emmanuelle Wargon, prononçant à la Cité de l’architecture son discours de clôture de l’opération « Habiter la France de demain », a eu un mot pour le moins malheureux…
Elle a désigné la maison individuelle comme un objet périmé et elle a montré d’un doigt accusateur les ménages qui ont choisi cet habitat depuis des générations. « Le modèle du pavillon avec jardin n’est pas soutenable et nous mène à une impasse. (…) C’est un non sens écologique. »
Depuis, la loi Climat résilience du 22 août 2021 est venue poser le principe du zéro artificialisation nette, le fameux ZAN, objectif à atteindre à l’horizon 2050 avec une première étape exigeante, visant à diviser par deux d’ici à 2030 la consommation de terrain. Dans le même temps -on pourrait dire « en même temps » pour invoquer le registre macronien-, nos compatriotes prisent toujours autant ce mode d’habiter et de vivre. Hiatus démocratique embêtant… Le rêve des Français pourra-t-il encore se réaliser ?

Les chiffres sont sans appel: sur 38 millions de résidences principales en France, 18 sont des maisons individuelles. Une certitude: aucun exécutif, aucun parlement, aucun Président de la République, aucun ministre du logement ne peut s’offrir le luxe de nier cette réalité, ni celui de ne pas l’intégrer à la politique du logement. Il faut d’abord regarder sans a priori, honnêtement, ce qu’est devenu l’offre de maisons individuelles, cette maison qu’on accuse de tous les maux quant à la consommation foncière, mais aussi quant aux conséquences sur les déplacements pendulaires entre le travail et l’emploi. Il faut aussi mesurer à quel point cet habitat est en fait adapté aux impératifs du moment, loin de l’obsolescence qu’on lui a prêtée.

Premier constat: en trente ans, la taille de la parcelle, ce terrain sur lequel la maison sera construite sur commande d’une famille, a été divisée par dix. Elle était couramment de 2000m2, elle est aujourd’hui en moyenne de 200m2. Certes, l’inflation des prix des terrains a conduit à ce résultat, mais ce n’est pas la seule cause: le concept même de maison individuelle a évolué. On veut être chez soi, avec plus de liberté que dans un immeuble collectif, sans pour autant que l’enjeu soit l’isolement ou le repli.
On a également assimilé la maison individuelle à un habitat qui a fini par favoriser le délitement du lien social…Eh bien, les Français, depuis longtemps, ne le désirent pas ainsi. Ils veulent une maison personnelle, identitaire, plus qu’un lieu d’individualisme. En clair, le voisinage est essentiel et la sociabilité est cardinale: chez soi, pas éloigné des autres. Le tissu péri-urbain de nos grandes villes en deuxième et troisième couronnes et de nos villes moyennes est fait de cette forme de réseau. Il retrouve à cet égard l’idéal des pavillons mitoyens des cités ouvrières, dont on retrouve trace dans nombre de communes périphériques des grandes villes, Paris en particulier.

D’ailleurs, la mitoyenneté fait son grand retour dans les constructions neuves, ainsi que l’élévation des maisons: les constructeurs proposent des maisons adossées, et des maisons à étage. Ces structures architecturales présentent deux avantages: on densifie l’habitat individuel et on permet le maintien des liens intergénérationnels grâce à la cohabitation dans l’indépendance.

Enfin, qui oserait parler de contresens environnemental ? Toutes les enquêtes, à commencer par celle que le ministère chargé du logement avait provoquée dans le cadre de l’approche prospective tendant à imaginer le logement en France demain, attestent de l’envie de verdure, d’espace, de lumière. La maison individuelle répond par excellence aux attentes des familles. Le grief d’éloignement des villes n’est pas plus justifié que les autres, pour plusieurs raisons. D’abord, l’aménagement du territoire a évolué. Alors que les emplois, industriels -ils sont de moins en moins nombreux- et surtout tertiaires étaient concentrés, pour les premiers dans des territoires spécialisés, pour les seconds dans les métropoles, ils sont beaucoup plus diffus et étales.
Les TPE et PME, comme désormais les grandes entreprises, se localisent de manière bien plus diversifiée que par le passé. Ainsi, les trajets d’une proportion croissante de propriétaires de maisons individuelles s’en trouvent rationalisés et réduits, même si le véhicule particulier reste dans la plupart des cas indispensable. Et puis le télétravail, il y a encore anecdotique, devient une modalité d’organisation du travail à part entière, qui concerne désormais un quart des emplois. Elle permet un habitat davantage choisi en fonction des aspirations profondes que par commodité par rapport au siège d’une entreprise employeuse.

Au nouveau ministre responsable du logement, au Premier ministre, dont on sait qu’il aura la charge directe de programmer la transition environnementale, aidé de deux ministres dédiés, il appartient de réconcilier le discours public et la décision publique avec la maison individuelle. C’est une urgence démocratique et républicaine.

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